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J. Boutillier, enseignant à l’INCTB,
- responsable de la formation Thérapie brève des troubles anxieux
- auteur de Les manuels d’hypnose et de thérapie brève : Le Stress Post-traumatique
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Critères diagnostiques
Voici en introduction les critères diagnostiques du Stress Post Traumatique tels qu’ils sont définis par l’American Psychiatric Association :
Le Trouble de Stress Post-Traumatique découle de l’exposition à un événement traumatique qui provoque chez l’individu de la peur, de la détresse ou de l’horreur. Ce trouble se manifeste par une ré-expérience persistante de l’événement traumatique, des comportements d’évitement des stimuli associés au traumatisme, un émoussement de la réactivité générale et un état d’hyperactivité neurovégétative.
A) La personne a été exposée à un événement traumatique au cours duquel les deux critères suivants étaient présents:
1. La personne a été exposée, témoin ou confrontée à un ou des événements qui ont impliqués la mort ou menace de mort, ou de blessures graves ou une menace à son intégrité physique ou à celle d’autrui.
2. La réaction de la personne impliquait une peur intense, de la détresse ou de l’horreur.
B) L’événement traumatique est revécu de façon persistante, d’une ou plusieurs des façons suivantes:
1. Souvenirs répétitifs et envahissants de l’événement incluant des images, pensées, perceptions;
2. Rêves répétitifs et pénibles de l’événement
3. Impression ou agissement soudain comme si l’événement traumatique se reproduisait
4. Intense détresse psychologique lors de l’exposition à des stimuli internes ou externes ressemblant à un aspect du traumatisme ou symbolisant celui-ci
5. Réactivité physiologique lors de l’exposition à des stimuli internes ou externes ressemblant à un aspect du traumatisme ou le symbolisant.
C) Évitement persistant des stimuli associés au traumatisme et émoussement de la réactivité générale (non présent avant le trauma) qui s’expriment par trois ou plus des symptômes suivants:
1. Efforts pour éviter les pensées, sentiments ou conversations associés au traumatisme
2. Efforts pour éviter les activités, endroits ou gens qui éveillent des souvenirs du traumatisme.
3. Incapacité de se rappeler d’un aspect important du traumatisme.
4. Réduction nette de l’intérêt ou de la participation pour des activités de valeur significative.
5. Sentiment de détachement ou de devenir étranger par rapport aux autres
6. Restriction des affects (ex.: Incapacité de ressentir des sentiments amoureux).
7. Sentiment que l’avenir est ‘bouché’, que sa vie ne pourra plus se dérouler normalement.
D) La personne présente deux ou plusieurs symptômes persistants traduisant une hyperactivité neurovégétative (ne préexistant pas au traumatisme):
1. Difficultés à s’endormir ou sommeil interrompu.
2. Irritabilité ou accès de colère.
3. Difficultés de concentration.
4. Hypervigilance.
5. Réaction de sursaut exagérée.
E) Les symptômes B, C et D sont présents durant au moins 1 mois.
F) Le problème entraîne une détresse cliniquement significative ou un dysfonctionnement au niveau social, professionnel ou dans un autre domaine de fonctionnement important.
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Traumatisme simple et complexe
La notion de traumatisme présentée la définition précédente peut prendre des réalités bien différentes :
– Traumatisme spécifique : le traumatisme est soudain et concerne un événement unique, comme par exemple un accident de voiture : la vie relativement normale jusque là, bascule.
– Traumatisme complexe : il est de longue durée, avec de micro-traumatismes successifs, comme par exemple une période de maltraitance, de violence, de harcèlement, d’abus sexuels…
Les traumatismes peuvent être compliqués par la plus ou moins grande toxicité des personnes côtoyées pendant la période traumatique. Ce qui s’est passé a pu être considéré comme normal par le sujet, avec entre autre des phénomènes d’emprise, compliquant encore le vécu et les perceptions de la victime et les conséquences sur son fonctionnement psychologique.
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Facteurs d’élaboration
Certains individus ont une hypersensibilité naturelle aux stresseurs (entre autres, hypersécrétion de noradrénaline).
Conditionnement interne et externe
Se mettent alors en place des automatismes : – Externes : réponse anxieuse à des stimuli externes rappelant le traumatisme
– Internes : réponse anxieuse à des manifestations physiologiques d’émotion, d’anxiété (trouble panique…).
Sensibilisation – Hypervigilance
Après un traumatisme, la personne souffrant de stress post traumatique va mettre en place un système d’hypervigilance, orientée vers un danger éventuel et enchaîner ainsi les « fausses alarmes » (crises de panique, angoisse…). .
Schémas de danger inconscients
Se met donc en place un seuil élevé d’intolérance à des dangers potentiels, réactivé par des faits de la vie courante, mais aussi des flash-backs répétés. Installé, le TSPT se chronicise.
Attribution des causes
– Interne : dans de nombreux cas, les victimes s’attribuent la responsabilité des causes de l’événement : culpabilité, baisse de l’estime de soi….
– Externe : dans d’autres cas, les causes sont attribuées au monde extérieur : baisse de la sécurisation.
Force du traumatisme
C’est en général plus la force de la menace perçue que celle de la menace réelle qui décide qui décide de l’installation du TSPT.
Valeurs et désillusion
Les personnes pensant le monde juste, stable et sécurisé développeront de manière plus fréquente un TSPT. Le traumatisme représente une rupture totale avec le monde dans lequel ils pensaient évoluer.
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Phénomènes associatifs
Les victimes de TSPT rapportent souvent des cauchemars à répétition, des souvenirs indésirables ou des images récurrentes du traumatisme. Ces flash back constituent en fait une réponse inconsciente à un stimulus directement ou indirectement lié au traumatisme. On a donc ici des phénomènes plutôt associatifs : selon un mode de conditionnement classique, le sujet se retrouve plongé dans le traumatisme premier avec les émotions associées (peur, panique…). Phénomène participant au développement anxieux, le rapport entre le stimulus de la vie réelle et le flash back peut être difficile à identifier (ex : pot d’échappement qui pétarade et renvoie à une fusillade…). Une simple odeur, ancrage très puissant peut par exemple suffire.
Ces flash back peuvent être interprétés comme une tentative inconsciente de se désensibiliser à la situation traumatique, stratégie qui, à l’image des phénomène dissociatifs, n’a que peu de chance d’aboutir.
On peut également envisager qu’au moment des cauchemars, l’inconscient veuille « classer le dossier » (ce qu’il fait normalement pendant la nuit) mais n’y parvient pas, étant donné la force traumatique du « dossier » en question.
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Crise de panique ou symptômes de type panique
L’anxiété, l’état d’alarme se manifestent fréquemment de manifestations physiques d’angoisse, jusqu’à un trouble panique. Les critères du trouble panique sont présentés ci-dessous.
Critères diagnostiques DSM IV1
Voici la définition diagnostique du Trouble Panique la plus couramment utilisée :
Période de malaise brutal, d’anxiété intense et nettement délimitée.
Quatre des symptômes suivants apparaissent jusqu’à atteindre leur maximum en moins de dix minutes :
– Palpitations, tachycardie
– Transpiration
– Tremblements ou secousses musculaires
– Sensations de souffle coupé ou impression d’étouffement
– Douleur ou inconfort thoracique
– Sensation d’étranglement
– Douleur ou gène gastrique
– Nausée ou gène abdominale
– Sensation de vertige, d’instabilité, de tête vide ou impression d’évanouissement
– Déréalisation (sentiment d’irréalité) ou dépersonnalisation (être détaché de soi)
– Peur de perdre le contrôle de soi ou de devenir fou
– Peur de mourir
– Parasthésie (sensation d’engourdissement ou de picotements)
– Frissons, bouffées de chaleur
Les symptômes somatiques apparaissent donc sous la forme de syndromes ou malaises d’apparence :
– Cardio-vasculaire
– Neurologique
– Digestive
– Syncopale
Les attaques de panique sont imprévisibles : elles ne se produisent pas en relation directe avec l’exposition à un stimulus particulier.
Subissant une attaque de panique à son paroxysme, le sujet peut :
– éprouver des sensations de perte de contrôle.
– éprouver des sensations de mort imminente.
– craindre de se conduire de manière anormale.
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Phénomènes dissociatifs
Les phénomènes de dissociation, s’ils sont présents dans un TSPT sont prépondérants dans sa génèse et donc sa prise en charge. Par dissociation, on entend les processus auxquels la personne fait appel pour se dissocier du traumatisme, mais qui, s’ils sont naturels n’en remplissent pas pour autant l’effet escompté (soulager la personne).
1) Amnésie : des troubles de la mémoire sont souvent à constater chez des personnes souffrant de TSPT, amnésies partielles ou totales. L’amnésie a été à un moment donné la seule solution de survie, pour se défendre des souvenirs resurgents du vécu traumatique.
Il est également à noter dans le cadre de l’amnésie que bien souvent elle n’est pas sélective : c’est tout une période, de manière globale qui est oubliée, souvenirs positifs y compris.
2) Mémoire, concentration :
Des troubles de la concentration, de la mémoire sont également à relever dans le cadre du TSPT.
3) Détachement, déconnexion de la réalité et autres :
Est également à observer un retrait psychologique par rapport au monde extérieur et aux affects désagréables qu’il peut représenter. Si là encore, il s’agit d’une solution inconsciente de survie, il peut en résulter un malentendu relationnel du à l’impression de désintérêt ou de froideur qui peut être donnée et ainsi un non-tissage de liens relationnels, une absence de communication…
Si ces phénomènes de dissociation ont tout d’abord leur utilité, le danger résulte dans leur chronicisation, leur automatisation. Cette tendance à se déconnecter peut d’ailleurs s’étendre à d’autres événements générateurs d’anxiété. C’est d’ailleurs ainsi que l’on trouve des schémas qui se reproduisent, ou des personnes qui par exemple subissent des viols répétés sans réaction de défense ou de communication externe. La dissociation correspond ici à une extinction des expériences émotionnelles et sensorielles liées à l’état.
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Conséquences cognitives et émotionnelles
Quelques exemples très généraux :
Emotion |
Croyance |
Peur | « je suis en danger »I |
Impuissance, vulnérabilité | « je ne peux rien faire » |
Faible estime de soi, dévalorisation | « je ne vaux rien » |
Culpabilité | « je suis coupable » |
En plus du choc, de la peur liée au traumatisme, le sujet met en place une lecture émotionnelle et cognitive de la situation. Un enfant subissant un abus pensera par exemple « C’est mal », « je ne vaux rien » (honte), ou « c’est de ma faute » (culpabilité). Ces cognitions donnent une « cohérence » à ce qui est en train de se passer. En s’attribuant la responsabilité, il trouve une explication, rationalise une situation irrationnelle. L’entourage participe également fréquemment à l’élaboration de ses cognitions et émotions en voulant produire des explications, voire une prévention d’une nouvelle situation analogue.
Ces liens rassurants dans un premier temps génèrent des empreintes qui demeurent au-delà du traumatisme et viennent nuire au bien-être de la personne.
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Age clandestin et traumatisme
L’age clandestin est un âge différent de celui correspondant à l’âge de l’état civil. Il est plus ou moins conscient et plus ou moins observable. Nous avons tous des parties de nous ayant différents âges. Ces âges entraînent les manifestations corporelles, émotionnelles, cognitives, comportementales et interactionnelles qui correspondent et peuvent donc entraîner des limitations dan un contexte donné. Le traumatisme a pour effet de « geler » l’âge clandestin au moment où il se produit (« La peur, c’est l’enfant en nous qui panique »).
Ces âges clandestins sont détectables à travers le langage corporel, non verbal (ton de la voix, gestes, mimiques, coloration de la peau…) et verbal (style, vocabulaire…) , les différents comportements et interactions.
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Conséquences comportementales
Le degré important d’anxiété conduit le sujet à mettre en place des stratégies problématiques : évitement des situations, recherche d’une réassurance extérieure, contrôle permanent, état d’alarme.
Ces stratégies sont au centre de l’anxiété, créent et renforcent le cercle vicieux : sensées rassurer le sujet consciemment, elles sont en fait anxiogènes, inconsciemment. Chacune de ces stratégies induit et renforce l’idée :
-
De dangerosité extérieure
-
D’incapacité à faire face, de vulnérabilité.
En ce qui concerne plus précisément évitement et réassurance extérieure, on prendra en compte la dimension systémique du problème : en quoi l’entourage participe à l’élaboration de ses stratégies, renforçant là aussi l’idée de vulnérabilité intérieure et de dangerosité extérieure.
On le voit en découvrant la définition du SPT, se pencher sur ce trouble va au-delà du choc émotionnel pour s’élargir à ses conséquences : manfestations psycho-corporelles (symptômes associatifs et dissociatifs), conséquences cognitives et émotionnelles, gel et christallisation d’une partie intra-psychique, impact comportemental et conséquences relationnelles, systémiques. Ces éléments constituent autant d’axes de l’approche en thérapie brève du SPT.
J. Boutillier, enseignant à l’INCTB,
- responsable de la formation Thérapie brève des troubles anxieux
- auteur de Les manuels d’hypnose et de thérapie brève : Le Stress Post-traumatique
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Aurélie Fournier, Hypnose et thérapie brève, spécialisée dans les troubles anxieux. En savoir plus
1 American Psychiatric Association, DSM-IV, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux / Masson, 1996
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