Par J. Boutillier, auteur du programme d’auto-traitement Se libérer des obsessions et compulsions )
Pensée magique et réalité Le trouble obsessionnel compulsif est éminemment cognitif. L’examen de ce qui est pensé révèle de grands thémes, croyances généralisantes excessives sur soi, les autres, le monde qui nous entoure. Un thème récurrent (voire fondateur) est omniprésent à travers des postulats généraux, celui de la pensée magique.
Quelques exemples de postulat :
« Ce que je pense se réalise » : croyance sur la faculté de créer le réel en le pensant, le pouvoir de l’esprit sur la matière. On peut l’écrire autrement : « la pensée crée ». Illusion du pouvoir des pensées sur le réel.
« On doit toujours faire attention sinon si il arrive quelque chose, on est coupable (ou responsable). » : illusion du contrôle du réel par l’hypervigilance, cette croyance met également en relief le thème assez fréquent de la culpabilité ou de la responsabilité.
« Les rituels magiques et les pensées sont utiles pour se préserver d’un danger. » : croyance construite sur une autre illusion, magique et/ou superstitieuse.
Ces exemples révèlent un théme fondamental dans les TOCs : la puissance de la pensée sur la réalité.
Il y a ici une erreur de conception du processus créatif : pour que la pensée mène à la création d’une réalité, certaines autres étapes sont nécessaires comme l’action et le retour d’informations.
Structure du processus créatif :
Dans le cadre des TOCs, il y a agglutination et simplification du processus créatif, confusion entre pensée et action. Il n’y a pas d’expérimentation ou test de la réalité. Et si il y a expérimentation inopinée, le retour d’information n’est pas (ou peu) intégré au profit du renforcement des postulats anxieux.
D’où vient ce phénomène de pensée magique?
Ce processus est naturel, présent à des degrés divers selon l’individu. Il fait partie de nous, de notre construction. Piaget a décrit ce « stade de la pensée magique ». Il est situé avant sept ans chez l’enfant. Avec ce que l’on nomme communément l’age de raison, le processsus cognitif va se transformer en pensée logique, d’abord concrète puis abstraite au fil du temps.
Ce stade va présenter certains critères que l’on peut mettre en rapport avec les tocs : « Tout vit » : les choses, les pensées sont animées.
La frontière entre monde intérieur et monde extérieur est floue voire absente. La culpabilité (« c’est de ma faute ») constitue l’explication numéro 1 à ce qui peut se passer si il n’y a pas d’explications apportées de l’extérieur (ou alors insatisfaisantes).
Le rapport à la réalité est donc intuitif, subjectif, magique et centré sur soi. Il y a donc dans le trouble obsessionnel compulsif des processus d’appréhension du réel qui ont à voir avec ce stade de la pensée magique. Une partie de la personne continue de fonctionner selon ce mode, anachronique, au mépris d’autres compétences (objectivation, logique, rapports de causalités…) bien présentes mais inutilisées.
Comment ce phénomène s’installe?
Ce questionnement mériterait de nombreuses études mais ne semble pas nécessairement passionner les spécialistes (bien que très pertinent dans la remise en cause des TOCs). D’un point de vue général, en termes de comportements et de stratégies cognitives, il convient de partir du postulat que tout ce qui existe en nous a une bonne raison d’être. Un phénomène aussi fermement installé est en général un processus qui a été utile, à un moment donné de la vie et dans un contexte donné, si utile qu’il s’est installé comme LE processus d’appréhension de la réalité. La personne n’avait pas le choix pour s’en sortir de gérer autrement.
En ce qui concerne mon expérience thérapeutique, le processus de la pensée magique se met généralement en place à un moment ou l’enfant n’a pas d’autres choix : l’enfant vit une situation qui le déstabilise, un stress réel ou une prise de conscience subite. Il se questionne (Pourquoi? Comment? Qui? Etc…).
Mais sans explication extérieure, il reste dans une incertitude qui devient intolérable (pourquoi ça se passe et comment faire pour que ça ne se reproduise pas). Pour sortir de cet état, il ne peut qu’utiliser ses moyens, magiques. Il va donc faire comme il peut pour se rassurer (mettre en place un rituel, une pensée superstitieuse, se désigner comme responsable, ce qui approte une réassurance à court terme etc…).
Tout cela rassure donc l’enfant sur le coup, il s’installe dans l’illusion qu’il a contrôlé ainsi le réel et la stratégie s’installe comme LA stratégie de réassurance préférentielle. Bien que progressant au fil du temps (logique, capacité à l’abstraction, à la prise de renseignements extérieurs etc…), il y a une partie de la personne qui préfère garder le fonctionnement magique qui a tant apporté à un moment donné et qui s’est ancré dans l’intensité émotionnelle de ce qui a été vécu (angoisse et réassurance ressenties).
J. Boutillier
– Enseignant à l’__INCTB__ – Institut de coaching et de thérapies brèves.
– Auteur du programme d’auto-traitement __Se libérer des obsessions et compulsions__ .
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