Affirmation de soi

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Par Jérôme Boutillier, thérapeute et coach
– Enseignant à l’Institut Normand de Coaching et de Thérapies Brèves
– Auteur de Surmonter la timidité, de Prendre la parole en public et de Développer son charisme


Rétention et expression des émotions


On a confiance dans ce qu’on connaît. Pour connaître, il faut avoir pu rencontrer, avoir pu établir une relation. Avoir confiance en soi, c’est donc se connaître et pour cela se rencontrer, établir une relation avec soi. La base de cette relation est informative.

« Laisser entrer et sortir les informations sur soi. »

Les informations qui sortent le sont au travers de l’expression de soi : expression de ses désirs, opinions, besoins, émotions… Et la personne timide a quelques difficultés a faire cela, alors qu’éthymologiquement, émotion vient de e movere, qui veut dire « sortir ». Une émotion est faite pour sortir.  Retenue, elle mène à l’angoisse, à la perte de contrôle inéluctable.

D’où vient ce phénomène de rétention des émotions ?

Les explications peuvent être nombreuses. Prenons ici l’exemple de la peur, phénomène central de la timidité ou de toute manifestation anxieuse. Les émotions expriment les besoins essentiels de l’individu. Par définition, la peur exprime le besoin d’être rassuré. Mais rassuré sur quoi ? La personne timide vit un profond décalage entre la réalité souhaitée, absolue (ce que je voudrais / devrais être) et la réalité ressentie, posée comme réel (ce que je pense être). Le doute s’insinue à ce niveau : « je devrais être ainsi et je suis comme ça ». Le monologue intérieur de l’anxiété sociale naît de cette dichotomie : « On parle pour dire des choses intelligentes, et je n’ai rien d’intéressant à dire »… De même pour l’anxiété de performance (trac) : « je devrai pouvoir faire cela, et je ne vais pas y arriver… ».

Au moment de l’enfance, le décalage est profondément vécu, ressenti. D’où la peur et le besoin d’être rassuré. Mais c’est aussi la période où on est le plus apte à ancrer un comportement inadapté. Au moment du doute, de la peur ou de l’émotion, il va y avoir schématiquement deux options :

1) L’enfant, l’adolescent exprime ces doutes, sa peur, son besoin d’être rassuré. Il trouve des interlocuteurs suffisamment nombreux pour l’écouter et le rassurer. Le doute s’atténue, pour disparaître avec la répétition des réassurances.

2) L’enfant, l’adolescent n’exprime pas ses émotions, ne trouve pas d’interlocuteur attentif… ou pas d’interlocuteur du tout. Le doute se développe, jusqu’à la peur voire la phobie.

Comment en vient-on à ne pas exprimer ses émotions ?    

L’élément le plus important est culturel, social :

– Exprimer ses émotions, c’est être faible : « Tu es un homme. Un homme ne pleure pas ».  L’enfant ne va pas être écouté, on va plutôt l’ « endurcir  pour son bien » : « Tiens-toi, on nous regarde », « Tu es grand maintenant, arrête ton cinéma»… La peur d’un enfant est souvent mal perçue, mal vécue, mal négociée, sans doute d’ailleurs parce que l’adulte lui-même n’a pas complètement aplani ses propres difficultés et que lui-même a encore un peu peur de ceci ou de cela.

– Notre société est rationnelle, scientifique. Nulle place donc pour l’irrationnel : « Comment peux-tu avoir peur !», « Tu n’as aucune raison de craindre ces personnes», « Tu perds la raison ! »…

Face à ces réactions, nouveau dilemme (par nature insoluble) pour l’enfant ou l’adolescent : exprimer ses émotions et perdre l’amour de ses parents ou garder ses peurs qui, intériorisées, ne vont faire que croître et embellir. Dans la réalité, il y aura souvent va-et-vient entre ces deux options, aussi insatisfaisantes et nocives l’une que l’autre.

Et puis, au fil du temps, cette genèse s’efface et pour une raison profonde qu’il ignore, quelqu’un de timide ne s’exprime pas de peur par exemple de paraître égocentrique, faible ou égoïste. Mais reconnaissons qu’il y a une belle marge de la timidité à l’égocentrisme. Et que pouvoir exprimer ces émotions constitue plutôt une force (comme en témoigne la quantité de personne qui a des difficultés à le faire). Dans tout système de communication interpersonnel, il y a la place pour une expression salutaire et pondérée de soi dans le respect de l’autre. Ce que l’on nomme affirmation de soi :

« Je » + sincérité + émotion » 

L’expression de soi est une compétence qui peut s’initier hors des situations problématiques pour se développer et devenir un outil de gestion de l’anxiété.

« J’identifie mes besoins, désirs, émotions et je les exprime » 

Abordons simplement ici trois entraves à l’expression des émotions fréquemment rencontrées :

1)  Un des freins à l’expression des émotions est due à une image déformée de celle-ci. L’expression des émotions est souvent perçue comme une espèce de débordement émotionnel. Mais il n’y a justement débordement émotionnel que quand on retient ses émotions. Il s’agit de l’effet « cocotte minute ». Si une émotion est exprimée au moment ou elle est ressentie, sans retard, il n’y a pas débordement émotionnel.

« Si j’exprime au moment où je ressens, il n’y a pas débordement ou perte de contrôle »

2) L’expression des émotions peut également être considérée comme un conflit potentiel. Il y a souvent confusion entre expression des émotions (« Je ne comprends ») et déclaration de guerre (« Ce que tu dis est incompréhensible »). Quand on s’exprime, on parle à la première personne. Le « tu » est synonyme de conflit (on parle pour l’autre, qui effectivement ne va pas apprécier, les informations vont être déformées…)

« Si je respecte la forme je + sincérité + émotion, cela se passera bien »

3) Enfin, comme évoquée plus haut,  il y a une croyance assez répandue qui dit qu’exprimer ses émotions, sa sensibilité, c’est être faible. C’était peut-être vrai dans l’univers des cow-boys. C’est en masquant (sans succès) des failles que l’on se sent vulnérable. Si on s’exprime librement, il n’y a plus de faille. L’expression de soi est une force, non une faiblesse. D’ailleurs, s’il s’agit d’une faiblesse, pourquoi tant de gens ont-ils du mal à le faire ?

Ce domaine de l’expression de soi à travers entre autres l’affirmation de soi, le développement des compétences sociales, sera développé plus loin.

Mais la connaissance nécessaire à la confiance en soi n’est pas essentiellement psychologique. Le premier support de chaque individu est le corps. Etre présent à soi même, c’est aussi être conscient de sa réalité corporelle. Les manifestations physiologiques de l’anxiété sont nombreuses (souffle coupé, transpiration, tête vide, …). Elles sont à dominante respiratoire et tensionnelles. Développer des compétences corporelles est donc pertinent dans l’optique de la timidité ou plus généralement de l’anxiété sociale.

« Le premier support est le corps »


Affirmation de soi


   

L’affirmation de soi est décrite par Alberti et Emmons, premiers auteurs sur le sujet (1970) comme un « comportement qui permet à une personne d’agir au mieux de son intérêt, de défendre son point de vue sans anxiété exagérée, d’exprimer avec sincérité et aisance ses sentiments et d’exercer ses droits sans dénier ceux des autres ». 

Les techniques d’affirmation de soi visent donc à développer le compétences sociales verbales et non-verbales. Ces techniques sont conseillées à toute personne souffrant d’anxiété sociale. Dans le cas d’une timidité relative, elles vont être directement efficaces et parfois suffisantes. Dans le cas de troubles anxieux plus développés, si elles ne représentent pas LA solution, elles apporteront nécessairement au sujet, à un moment ou à un autre de son évolution. La phobie sociale par exemple peut entrainer un non-développement de compétences auquel il est parfois utile et/ou nécessaire de remédier pour être à l’aise, une fois sorti du trouble anxieux incontrôlable. 

Les articles de cette page présentent les notions et outils essentiels de l’affirmation de soi.


Passif, agressif et affirmé


 

Prenons un exemple. Anatole prête sa tondeuse à Gaspard. Un mois plus tard, Anatole n’a pas de nouvelles de Gaspard et de la tondeuse, alors que le besoin commence à s’en faire sentir. Dans ce cas de figure, trois solutions, schématiques :
1) Anatole ne fait rien, attend, malgré le développement amazonien de son jardin. Résultat : Anatole ne peut pas tondre son gazon. La forêt vierge se développe et un orage conjugal éclate.
2) Anatole, ne tenant plus, téléphone à Gaspard : « Espèce de malpoli! Tu as une heure pour me rapporter ma tondeuse! » Résultat : Anatole a une chance sur trois de récupérer sa tondeuse (dans un état de fonctionnement  hypothétique) et se fâche avec Gaspard.
3) Anatole va voir Gaspard : « je comprends que tu en as peut-être encore besoin, mais je voudrais récupérer ma tondeuse aujourd’hui » Résultat : Anatole a de fortes chances de récupérer sa tondeuse, de tondre son gazon (et ainsi de sauver son mariage) et de rester ami avec Gaspard.
Dans le premier cas, Anatole a un comportement passif, dans le deuxième cas un comportement agressif, dans le troisième cas, un comportement affirmé.


On peut déduire de cet exemple, qu’un comportement affirmé :
– Exprime clairement et fermement son objectif
– Prends en compte l’interlocuteur, entretient voire développe la relation 

Un des constituants générateur du comportement affirmé est donc la notion d’équilibre (ce que l’on nomme parfois 50/50) :   
  

 
Passif
Agressif
Affirmé
MOI
+
+
L’AUTRE
+
+
 
Deséquilibre
Deséquilibre
Equilibre

 
 


Informations entrantes et sortantes


Même si elle n’en dépend pas exclusivement, la confiance en soi est à mettre en liaison avec ce concept d’affirmation de soi. Nous l’avons vu : « On a confiance dans ce qu’on connaît » et « pour connaître, il faut avoir pu rencontrer ». La confiance est donc une affaire d’information.

« il y a deux types d’informations, les informations entrantes et sortantes »

Comme évoqué, dans les étapes précédentes, la timidité, manifestation anxieuse, s’installe comme un filtre entre soi et l’extérieur : elle bloque ou déforme les informations. On se connaît donc moins bien ou mal. Développer sa confiance en soi, c’est donc notamment rétablir la libre circulation des informations. Voici un tableau récapitulatif (non exhaustif) :

Informations entrantes

Informations sortantes

Compliments Emotions
Critiques Besoin, envies
Remarques extérieures Capacité à dire non
Marques d’attention Capacités diverses à entrer en contact
Informations entrantes diverses Informations sortantes diverses

 


Informations entrantes 


Nous examinerons d’abord les informations entrantes. Ces compétences vous sont étrangères ou difficiles. Elles peuvent donc vous sembler superficielles à la première utilisation. Mais en pratiquant, vous trouverez rapidement une belle satisfaction à les développer puisqu’elles nourrissent la confiance en soi et ainsi le bien-être. Examinons deux aspects essentiels :

1) Le compliment : il fait partie des informations entrantes. Un compliment, c’est une information, une évaluation externe provenant de l’extérieur. L’accepter, c’est se donner les moyens de mieux se connaître et de développer sa confiance en soi. Souvent, la personne timide refuse, récuse le compliment ou le remet en cause (« non, c’est rien », « tout le monde peut le faire ») Alors que ça ne la regarde pas ! C’est une information externe qui n’a pas à être déformée par un jugement interne.

« Accepter les évaluations des autres, c’est se donner les moyens d’un connaissance plus objective de soi-même » 

Comment ?

La première et unique chose à faire en matière de compliment est de l’accepter. Puis de terminer chaleureusement pour que le phénomène se reproduise.

Exemple :

« – Ton nouveau pantalon est splendide !

– Merci, ça me fait plaisir qu’il te plaise ».

2) La critique : ressentie comme une profonde remise en cause voire comme une agression, la critique est mal vécue.  Quelqu’un nous donne un avis négatif. Lorsque celui-ci est émis, la seule solution constructive est d’en tirer quelque chose d’utile.

Comment ?

Quand on reçoit une critique, vraie ou fausse, peu importe :

– On écoute jusqu’à la fin l’interlocuteur, en étant centré sur lui, sur ce qu’il exprime.

– Si la critique est floue, comme c’est souvent le cas (l’interlocuteur lui aussi a des filtres généralisants…) onreformule, on aide l’interlocuteur a préciser.

– Si la critique est vraie, on remercie, si elle est fausse, on s’affirme, à plusieurs reprises si nécessaire (disque rayé : s’affirmer, précisément, de manière répétée, sans dériver ou se justifier)

Exemple : « – Votre travail ne va pas (affirmation vaste, floue, qui peut permettre très rapidement à la situation de dégénérer)

– Mon travail ne va pas ? (reformulation)

– Oui, il y a une erreur dans la page du bilan trimestriel.

– En quoi me suis-je trompé dans la page du bilan trimestriel ? (précision)

– Vous avez oublié une colonne pour la TVA dans le tableau n°12

– Oui, effectivement, je vous remercie »

On le voit avec ces deux domaines du compliment et de la critique, l’important pour tout message entrant est d’être centré sur l’autre, d’oublier ses filtres personnels et de recevoir le message, en le précisant si nécessaire. Et enfin, d’être chaleureux pour encourager le compliment ou désamorcer la critique, prendre soin de la relation. Dans toute relation il y aura trois pôles dont il faut prendre soin de manière équivalente :

trirel

Les informations sortantes


Les informations sortantes sont constituées par tout ce que nous exprimons. Et en matière de timidité, il y a là un manque évident. La personne timide ne parle guère, s’exprime peu. Nous avons déjà abordé un des axes importants en ce domaine, l’expression des émotions mais d’autres notions et compétences sont importantes.

Les informations sortantes sont exprimées essentiellement à travers l’affirmation de soi. Nous allons préciser ici cette notion abordée dans le dernier chapitre. Une affirmation de soi satisfaisante va répondre à des critères précis.

Une bonne affirmation de soi :

1. Identification du besoin : « Qu’est-ce que je veux ? » L’objectif doit être clair et précis (demander ou refuser quelque chose, donner une opinion …)

2. Début d’affirmation prenant soin de la relation en prenant en compte les désirs ou aspirations de l’autre : « Je sais que ça n’est pas forcément facile en ce moment, mais… »

3. L’affirmation elle-même, calme et sereine : « … je ne peux pas prendre en charge ce dossier»

4. Stratégies : en cas de resistances ou de difficultés :

Ce que l’on fait : on adopte la tactique du disque rayé, en affirmant à nouveau avec fermeté, en étant plus calme à chaque réaffirmation.

Ce que l’on ne fait pas : on ne se justifie pas, on ne laisse pas la conversation se développer ou dériver. On n’offre pas de prises » à l’interlocuteur.

5. Fin de l’affirmation prenant soin de la relation : « Je te remercie de ton attention… »

 

 


Les obstacles à l’affirmation de soi


– Peur du jugement : « Qu’est-ce qu’il va penser de moi ? » « Il va penser que je ne suis pas capable »
Nous rejoignons là le besoin de reconnaissance déjà décrit. On peut vivre sans plaire à tout le monde. Le fait de ne pas s’affirmer peut être également l’objet d’un jugement. En utilisant les outils dans ces pages, vous constaterez que l’affirmation de soi bien menée améliore la relation et donc entre autres le jugement des uns sur les autres.Une affirmation de soi  ,respectueuse de l’autre ne peut qu’entraîner des effets positifs.

– Peur d’être ridicule : « Ils vont se moquer de moi ».
Voisine de la peur du jugement, cette peur est fréquente. Si on n’a pas besoin de la reconnaissance pour vivre, on peut dire également que le ridicule ne tue pas : là encore, l’enjeu du discours est dramatisé. De plus, quelqu’un qui exprime ses besoins, valeurs ou émotions n’est jamais ridicule mais plutôt susceptible de générer de l’admiration.

– Peur de l’échec : « Je dois me tromper », « Si je n’y arrive pas, quelle catastrophe ! ».
Chacun a le droit à l’erreur et les échecs sont autant d’informations pour progresser. Une erreur n’est pas une chose atroce mais une preuve d’humanité. C’est aussi l’occasion de communiquer encore plus pour trouver d’autres solutions.

– Peur de déranger : « Il va me maudire si je l’arrête dans son travail »Si on a peur de déranger, on utilise la formule consacrée : « Excusez-moi, j’ai peur de vous déranger mais je désirais votre avis ».
L’interlocuteur rassure alors et devient disponible, car flatté qu’on ait pris en compte son désagrément éventuel et qu’on vienne lui demander un renseignement.


Par Jérôme Boutillier, thérapeute et coach
– Enseignant à l’Institut Normand de Coaching et de Thérapies Brèves
– Auteur de Surmonter la timidité, de Prendre la parole en public et de Développer son charisme

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